Durant ces trente dernières années, quels sont vos meilleurs et pires souvenirs ?
Hiroyuki YAMAGA : Je ne m'intéresse pas trop au passé. Je me souviens que je m'amusais mais aussi que j'étais inquiet. Ce quotidien s'est enchaîné finalement pendant trente ans. Les mauvais souvenirs, sans doute qu'il y en a eu, je les oublie en deux semaines.
Takami AKAI : Parmi les meilleurs souvenirs qui me reviennent à chaque fois que l’on me pose cette question, il y a The Wings of Honnêamise ! Le fait d'avoir pu participé à ce long-métrage m'a permis de rencontrer de nombreuses personnes et de découvrir tant de talents anonymes. Cette œuvre et l'époque Daicon restent mes lignes de conduite. Sinon, je n’ai pas de mauvais souvenirs en particulier. Je regrette juste un peu d'avoir perdu contact avec certains de mes anciens « amis ».
Yasuhiro TAKEDA : Je n’ai pas forcement de meilleur souvenir, mais le fait que j'aie pu faire ce dont j'avais envie est très appréciable ! Concernant mon pire souvenir, je dirais qu’il n'y en a pas vraiment. Mais si je devais dire quelque chose, je dirais que j'ai été déçu par des gens que je pensais être des amis, même après leur départ du studio Gainax. Mais c'est la vie.
Quel est votre point de vue sur l’évolution et le devenir de l’animation japonaise ?
Yasuhiro TAKEDA : J'ai l'impression que le monde de l'animation japonaise n'évolue pas. La technique progresse, certes, mais l'industrie va devoir se renouveler très prochainement. Pour l'avenir, nous sommes dans un monde où nos œuvres sont disponibles dans le monde entier, et il faut que l'industrie intègre cette nouvelle donnée et crée ses projets en fonction de celle-ci. L'avenir du monde de l'animation repose sur une renaissance de cette industrie.
Hiroyuki YAMAGA : L’animation s'est beaucoup améliorée, comparé à ce qui se faisait il y a trente ans. Mais cela ne vise plus qu'un public déjà conquis, et je pense qu'il faut songer à toucher une plus large cible. Que ce soit au niveau de l'histoire ou du jeu d'acteur, il faut travailler pour transmettre quelque chose au spectateur plus directement.
Takami AKAI : Le style Moe issu du studio Kyōto Animation s’est beaucoup développé ces dernières années. Le rapprochement entre le quotidien de l'otaku et les jolies filles a certes été réussi mais qu'y a-t-il après ? Il y a sans doute d'autres choses à dessiner avec les meilleurs, et peut-être même les derniers, dessinateurs d'animation travaillant à la main ?
Nous devrions produire des animes pour des enfants qui ne sont pas encore des otakus, surtout pour les garçons. Les otakus vieillissent peu à peu, il faut rassembler une nouvelle génération de fan pour avoir un avenir.
Pour ce qui est du futur, il faut penser à un modèle de diffusion via internet. Non pas comme moyen technique mais comme mode de pensée, de création et d'expression d'œuvres qui seront visionnées via ce media, ainsi que la manière d’en tirer du profit. Tel Osamu TEZUKA qui a réussi avec Astro Boy, il faut innover en prenant des risques. J'y réfléchis tous les jours, mais je n'ai pas encore de réponse.
Que pensez-vous de votre parcours au sein de Gainax et comment envisagez-vous le futur du studio ?
Yasuhiro TAKEDA : Le futur ? Je n'en ai aucune idée, cela va dépendre du présent.
Hiroyuki YAMAGA : C'est le genre de question ouverte un peu embarrassante... Je n'ai pas de vision particulière, il s'agit d'itérations du quotidien.
Takami AKAI : L'avenir de Gainax est incertain. De nombreuses personnes sont parties, et l'état financier me semble difficile. Mais l’équipe solidaire et pleine d'espoir qui est restée centrée autour de M. YAMAGA va de l'avant. Ils surmonteront sans doute ces difficultés et réussiront quelque chose de surprenant.
Hiroyuki YAMAGA : De toute façon, faire de l'animation ne rapporte pas d'argent. Cela fait trente ans que nous efforçons de le faire et nous continuerons.
Takami AKAI : L'évaluation de mon parcours est quelque chose que je ne peux pas faire moi-même. Durant ces trente dernières années, j'ai travaillé, réfléchi et passé de bons moments mais aussi d’autres plus tristes durant lesquels j'ai fait diverses choses. J'ai pu faire tout ce qui m'intéressait : illustration, animation, tokusatsu, jeux vidéo, garage kit sans apprendre de quelqu'un mais en me débrouillant. Comme vous le voyez, j'ai pu faire de tout, mais c'est pour cela que je n'ai rien de marquant ; aucune pièce maitresse dans mon parcours. Ce n'est pas que je le regrette, mais cela laisse une impression de manque, de vide. Mon objectif personnel est de créer une œuvre représentative, un étendard.
Avez-vous prévu des projets ou des évènements pour les 30 ans du studio ?
Takami AKAI : Pas à ma connaissance.
Yasuhiro TAKEDA : Malheureusement, il n’y a aucun projet, même si j'aimerais faire quelque chose.
Hiroyuki YAMAGA : Nous allons certainement nous réunir en petit comité pour fêter cela ainsi que la nouvelle année. Mais c’est tout.